Des gens très bien

Vivre avec des œillères, les chevaux font ça très bien. Ca permet de ne pas se cogner, de ne pas prendre peur, de ne pas se frotter à une réalité difficile à accepter et de continuer la course, toujours, tout droit, sans se retourner ou se poser de questions. Pour ça oui, les œillères c'est top ! Sauf qu'Alexandre Jardin n'est pas un cheval et le jour où il décide de virer ses œillères, il n'y va pas de main morte. On ne choisit pas sa famille. Mais on peut choisir d'assumer qui elle est. Quitte à se la mettre à dos en révélant les sombres secrets de son histoire. Et c'est souvent la meilleure façon d'avancer.

Alexandre Jardin cherche une autre voie que l'illusionisme. Pour cela il est parfois nécessaire de scier une branche sur laquelle on est  assis depuis des années. Cette nouvelle carrière littéraire commence par un journal de sa lucidité et pas un roman. Comme le dit la presse hélas, la question n'est pas d'amener une preuve à la collaboration supposée de son grand-père qui n'est plus à faire mais,  par un travail thérapeutique et de questionnement, de reconstituer, de formuler, de peser un fait pour enfin stopper le silence et la cécité d'une famille qui ne peuvent que conduire à la folie. C'est un livre important et qu'on peut lire tout à fait en dehors de l'Histoire parce qu'il incite à se préparer au présent et à l'avenir en disant dans une famille ce que personne ne veut voir ou entendre. Tout le monde a déjà un avis sur Alexandre Jardin mais tout ce qui est écrit dans ce livre, et, tout ce qui s'écrit et se dit dessus est important parce que tout homme se représente sa vie plus qu'il ne la vit et, cécité et indifférence ne sont jamais l'apanage d'une seule époque. Un livre événement !

 Le livre part d'une idée qui taraude son auteur : est-ce que son grand-père Jean Jardin, directeur de cabinet de Pierre Laval, était au courant du déroulement de la rafle du Vél-d'Hiv en 1942? On découvre que cette idée est pour Alexandre Jardin une torture et une obsession avec lesquelles il vit depuis son adolescence. Si l'écriture de ces pages est pour lui une " re-naissance ", pour son lecteur, c'est une confession bouleversante. Magnifiquement émouvant.